Retraites : la gauche dénonce "un moment grave"
L'Assemblée Nationale a adopté, vendredi 10 septembre, l'une des mesures-phare de la réforme des retraites, qui repousse progressivement de 65 à 67 ans l'âge de la retraite sans décote, quel que soit le nombre d'années de cotisation. Dans l'esprit du gouvernement, cette mesure va de pair avec le recul progressif de l'âge légal du départ à la retraite de 60 à 62 ans votée en fin d'après-midi, et qui s'appliquera en 2018.
Les deux "bornes d'âges" sont tombées. Après quatre jours de débat, dans un hémicycle assez clairsemé, les députés UMP et Nouveau Centre ont donc voté l'ossature de la réforme voulue par Nicolas Sarkozy. Le texte fixe donc deux nouvelles limites d'âge : 62 ans pour le départ en retraite et 67 ans pour le départ à taux plein.
Les députés ont aussi reculé de deux ans l'âge de départ à la retraite des fonctionnaires qui pouvaient jusqu'à présent partir avant 60 ans. L'article voté "repousse de deux ans, à l'horizon 2018, l'âge d'ouverture du droit à la retraite des fonctionnaires et militaires dont la pension peut actuellement être liquidée avant 60 ans". Cela concerne notamment les policiers, les surveillants de prison, mais aussi les instituteurs. Un autre article adopté dans la nuit relève de 65 à 67 ans la limite d'âge dans la fonction publique à l'horizon 2023. L'Assemblée a également voté la fin d'ici à 2012 du départ en retraite anticipé pour les parents fonctionnaires de trois enfants, avec des dispositions transitoires. Le vote sur l'ensemble du texte aura lieu mercredi. Le projet de loi sera ensuite débattu au Sénat fin septembre.
La gauche vent debout. Alain Vidalies, porte-parole du groupe socialiste à l'Assemblée nationale a estimé qu'il s'agit d'"un moment grave que nous vivons collectivement avec une certaine tristesse".
"La
droite, malgré 14 ans de pouvoir, n'avait pas remis en cause ce droit
et maintenant, parce qu'il y a cette crise, elle revient sur ce qui est
un élément essentiel de notre pacte social", a déclaré le député des Landes. "On
va continuer la bataille à l'Assemblée parce qu'il y a des gens qui
manifestent, des millions de gens qui ont perdu une journée de salaire
et qui s'apprêtent à le refaire pour manifester leur mécontentement.", a encore fait valoir M. Vidalies.
Quarante-deux orateurs se sont succédé en séance pour dénoncer cette réforme "socialement injuste, qui va d'abord peser sur les employés et les ouvriers", selon la socialiste Marisol Touraine. Jeudi soir, Ségolène Royal avait vivement dénoncé un projet "qui est celui du Medef". Et Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste, a lui aussi promis que le PS reviendrait à la retraite à 60 ans s'il revenait au pouvoir en 2012 : "Oui, nous assumons pleinement les engagements pris par Ségolène Royal sur le droit à partir à 60 ans et, en 2012, si nous sommes au pouvoir, nous le rétablirons."
"Vous ne reviendrez pas sur cette mesure car si vous le faites ce sera au prix d'une baisse très importante des pensions des Français", a rétorqué Eric Woerth, le ministre du travail.
Critiques éparses à droite et au MoDem. Si la quasi-totalité des députés UMP et centristes ont voté contre, quelques députés ont fait entendre leur petite musique. Le président du MoDem, François Bayrou, et les quelques députés villepinistes se sont aussi opposé au recul de l'âge à la retraite sans décote en cas de parcours professionnel interrompu.La mesure a aussi posé problème à quelques députés UMP. Tous
considèrent qu'elle va pénaliser les personnes qui ont eu des
interruptions de carrière, à commencer par les mères qui ont dû
s'arrêter de travailler. La députée UMP, Chantal Brunel, a demandé en vain que le recul de la retraite sans décote ne s'applique pas aux "femmes qui ont donné deux enfants à notre pays". L'ancienne Nicole Ameline, a suggéré sans plus de succès une "mesure temporaire spéciale" en faveur des femmes. Jean Bardet (UMP) a souhaité "voir comment le dispositif pourrait être amélioré lors de son passage au Sénat".
Malgré ces demandes, y compris de son propre camp, M. Woerth a suivi les consignes de l'Elysée et est resté inflexible.
Des critiques relayées à l'extérieur de l'Assemblée par Dominique de Villepin qui souhaite un réforme plus juste pour les "50% de femmes contraintes à travailler jusqu'à 67 ans" et plus "équilibré financièrement", avec "un élargissement de l'assiette des revenus les plus élevés et une taxation du capital".
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