La réforme des collectivités territoriales, qui prévoit d'écorner la parité hommes-femmes, pourrait être l'occasion, au contraire, de renforcer ce principe inscrit dans la Constitution depuis 1999. C'est en tout cas l'espoir de la nouvelle rapporteuse de l'Observatoire de la parité, la députée (UMP) Chantal Brunel. "Il faut favoriser la présence de femmes dans les collectivités territoriales qui vont voir le jour, souligne-t-elle. Mais il faut aussi en profiter pour renforcer la parité à l'Assemblée nationale et au Sénat."
Le projet de réforme du gouvernement, qui prévoit d'élire 80% des nouveaux conseillers territoriaux au scrutin uninominal, suscite depuis plusieurs mois une controverse sur le respect de l'égalité hommes-femmes dans le monde politique. Au sein des nouvelles assemblées, la réforme entraînera, en effet, selon l'Observatoire, "une régression importante de la parité": la part des femmes, qui n'est déjà pas brillante (moins de 24%), devrait chuter à 17,3%, ce qui représente un recul de près de 30%.
Pour éviter ce brusque retour en arrière, Chantal Brunel devait déposer, lundi 26 avril, une proposition de loi incitant les partis politiques à investir des femmes lors des élections locales, qu'il s'agisse des cantonales aujourd'hui ou des territoriales demain. Mais son texte va plus loin: il propose également de remettre sur le métier l'ensemble des règles qui régissent la parité lors des scrutins uninominaux. "Pour ce type de scrutin, il faut mettre en place des mécanismes plus contraignants qu'aujourd'hui", plaide-t-elle.
Depuis 1999, la parité bute en effet sur une difficulté: alors que le scrutin de liste permet mécaniquement d'assurer l'équilibre hommes-femmes, le scrutin uninominal ne s'en soucie guère: les partis sont libres de présenter dans chaque circonscription les candidats qu'ils souhaitent, sans aucune considération pour l'égalité des sexes. En matière de féminisation, ces élections qui ne sont pas soumises au principe paritaire sont catastrophiques: les conseils généraux, par exemple, ne comptent que 12,3% de femmes.
DES DISPOSITIONS PLUS CONTRAIGNANTES
Pour atténuer cela, le législateur a prévu un système d'incitations financières. Depuis 2000, les partis qui ne respectent pas la parité lors des élections législatives se voient ainsi infliger un "malus": s'ils ne présentent pas suffisamment de femmes à l'Assemblée nationale, la dotation publique que leur offre l'Etat est réduite. Pendant la législature, les crédits de l'UMP seront ainsi amputés de plus de 20 millions d'euros, ceux du PS de plus de 2,5 millions, ceux du MoDem de plus de 2 millions.
Pour la rapporteuse de l'Observatoire, ces dispositions ne suffisent pas. "Il importe aujourd'hui, si l'on veut faire progresser la parité, d'adopter des mesures novatrices permettant de surmonter les réticences des partis politiques à investir des femmes aux élections législatives et aux élections cantonales, écrit-elle dans l'exposé des motifs. Il faut donc mettre en place des dispositions plus contraignantes, notamment financières, qui aboutissent à de réels progrès de la parité lors des scrutins uninominaux."
Chantal Brunel souhaite durcir le système des sanctions. Actuellement, sur les 80 millions d'euros que l'Etat distribue chaque année aux formations politiques, seule la moitié – 40 millions – est écornée par les retenues effectuées au nom de la parité. La députée suggère de prendre en compte la totalité de la dotation publique et de fixer des objectifs précis: pour ne subir aucune retenue, les partis devront compter au moins 30% d'élues femmes en 2012, 40% en 2017 et 50% en 2022.
Pour imposer aux partis récalcitrants un véritable objectif de résultat, la députée souhaite également que les pénalités ne soient plus seulement calculées en fonction du nombre de candidates mais aussi en fonction du nombre d'élues. "Il sera ainsi possible de récompenser les formations qui, non seulement auront fait preuve de volontarisme pour présenter un nombre suffisant de candidates, mais les auront investies dans des circonscriptions gagnables", souligne-t-elle.
Enfin, Chantal Brunel propose d'étendre ce système de malus financier, qui ne concerne actuellement que les députés, à d'autres élus du scrutin uninominal: les conseillers généraux ou, à l'avenir, les fameux conseillers territoriaux créés par la réforme du gouvernement. "Le scrutin uninominal a des avantages – il récompense la compétence locale et la connaissance du terrain –, mais il ne favorise pas la présence de femmes, résume la députée. Ces dispositions permettront de le rendre acceptable au regard de la parité."
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